Selon vous, le phénomène du harcèlement s’est-il amplifié ces dernières années ?
Malheureusement, oui ! Avec l’essor des smartphones, des réseaux sociaux et jeux vidéo en ligne, le cyber harcèlement ne s’arrête jamais. Pour les victimes et leurs familles, la situation est dramatique, elles n’ont plus aucun répit. D’après les chiffres des associations du COFRADE et du Collectif pour l’enfance, un jeune sur trois révèle avoir été victime de harcèlement et de cyber harcèlement, et un jeune sur cinq avoue avoir déjà été harcelé.
Qu’en est-il des agressions sexuelles ?
Là aussi, la situation est très préoccupante. Il ressort qu’un élève sur dix est victime d’agression sexuelle pendant sa scolarité. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) estime, pour sa part, que deux à trois enfants par classe sont victimes d’inceste. À cela s’ajoute le phénomène de la prostitution infantile, qui est en nette augmentation. Tout cela fait froid dans le dos.
Vous venez de composer une chanson sur un numéro d’urgence, le 119. De quoi s’agit-il ?
Le 119 est un accueil téléphonique pour l’enfance en danger. Les enfants et adolescents qui se sentent en danger, ainsi que les adultes ayant connaissance d’une situation de maltraitance d’un enfant (même en cas de doute), peuvent appeler à l’aide en le composant. C’est un numéro vert gratuit, qui n’apparaît pas sur les relevés téléphoniques. Après chaque appel analysé, les écoutants du 119 informent la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département concerné, qui saisit alors les autorités compétentes. Chaque année, le 119 traite 32 000 appels.
Pourquoi une chanson sur le 119 ?
Ma chanson « 119 » est le résultat de plusieurs observations. En premier lieu, les enfants et beaucoup d’ados ne savent pas mettre les mots sur leurs souffrances. Ensuite, lors de mes interventions dans les écoles, j’ai pu constater (sauf exception) qu’aucun enfant ne connaissait ce numéro. Dans les collèges très peu. Beaucoup d’adultes ne le connaissent pas non plus. Depuis la création du 3020 pour le harcèlement et du 3018 pour le cyber harcèlement, le 119 est complètement passé au second plan, ce qui est très dommageable. Avec cette chanson, je veux que ce N° 119 soit connu de tous (élèves, enseignants ; parents, élu.es…).
L’ADPS vous a apporté son soutien pour la réalisation de votre projet.
L’ADPS Bretagne a déjà aidé notre association en 2015. Je me suis tourné à nouveau vers elle pour ce nouveau projet chanson-vidéo 119. L’ADPS nationale nous soutient également. Leurs aides financières nous permettent de payer le studio et le vidéaste. À ce jour, l’enregistrement audio est terminé. Il nous reste la vidéo à finaliser.
Quels sont les avantages d’une chanson pour délivrer des messages ?
La musique adoucit les mœurs, c’est bien connu. La chanson permet aussi de dire des choses qui ne seraient pas dîtes autrement. Dans un texte de chanson, les mots sont pesés et la musique – créative d’ambiance joyeuse et positive – permet une meilleure réception des messages concernant les sujets douloureux.
Comment avez-vous été amené à faire de l’enfance maltraitée le thème central de vos chansons ?
J’ai été moi-même un enfant maltraité. À la naissance de mon fils aîné, en 1976, j’ai eu peur de reproduire ce schéma – une importante association française disait que 80 % des victimes de maltraitance martyrisaient leurs propres enfants lorsqu’ils devenaient parents à leur tour.
Comme je suis auteur-compositeur-interprète, j’ai écrit la chanson « Enfants battus » comme une thérapie. J’ai été amené à la chanter dans les écoles, et à participer, en 1990, à l’émission télévisée « Tous à la Une » de Patrick Sabatier. À la suite de cela, j’ai reçu beaucoup de courriers et d’appels téléphoniques. Je me suis dit qu’il fallait créer une association pour sensibiliser et protéger les enfants. C’est comme cela qu’est née, en 1991, l’association Glenn Hoel, qui compte aujourd’hui une cinquantaine de membres.
Combien de chansons avez-vous dans votre répertoire ?
J’ai 51 chansons déposées à la Sacem, dont « Respect », qui a dépassé les 43 000 vues sur YouTube et qui est apprise dans les écoles en France, mais aussi à l’étranger.
Quelles autres actions menez-vous pour sensibiliser à l’enfance maltraitée ?
Je fais beaucoup d’interventions dans les écoles, collèges, lycées… Avant la crise sanitaire, j’en faisais environ 80 par an, concentrées essentiellement en Bretagne et Loire-Atlantique.
Après plusieurs années de spectacles avec mes musiciens (une vingtaine par an), je me consacre plus aux conférences auprès des adultes sur le thème « Dangers des écrans et des réseaux sociaux – harcèlement cyber harcèlement ». Et je continue la création de chansons avec les écoles (une par an). Enfin en 2013, j’ai créé une exposition de photos accompagnées de citations, qui est accueillie dans les médiathèques et les centres de documentation et information (CDI) des lycées.
« L’ADPS Bretagne a décidé de soutenir l’association Glenn Hoel parce qu’elle a été sensibilisée à la cause de la maltraitance de l’enfant. Il est de notre devoir de protéger nos enfants.
Actuellement, nous vivons dans un monde complètement fou où les barrières et les interdits ont été mis à terre et où la protection des enfants est mise à mal. Si internet est un bel outil, il n’en reste pas moins très dangereux, car il est facile de se cacher derrière un pseudo et de détruire une vie.
L’ADPS remercie Glenn Hoel pour son travail remarquable : il aide les jeunes à mettre des mots sur leurs maux et leur permet de s’exprimer et de trouver une oreille attentive et bienveillante. Nous espérons qu’avec notre aide, le 119 sera mieux connu. C’est un numéro essentiel qui doit rentrer dans les mémoires. »
Catherine Cozigou, Déléguée ADPS Bretagne
Écoutez la chanson
Paroles de Glenn Hoel, musique de Glenn Hoel et Yvon Hervo
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