Cancer du sein : se reconstruire grâce au tatouage artistique

Quels sont ses effets bénéfiques ?

Pour commencer, le tatouage artistique est très peu invasif, à la différence des chirurgies classiques de reconstruction. De par sa dimension esthétique, il permet aux femmes de se regarder à nouveau dans le miroir, d’apprécier leur buste, de retrouver une féminité. C’est pourquoi nous militons pour que cette reconstruction soit pleinement reconnue.

Pour en favoriser le remboursement, nous avons déjà noué des partenariats avec la CPAM et la MSA de Gironde, ainsi qu’avec une mutuelle.

Comment est née l’idée de Sœurs d’Encre ?

Je suis photographe. Sœurs d’Encre est le fruit de rencontres faites lors de mon exposition « Aux seins de la vie », en 2010, et de mon livre S’aimer tatouée, pour lequel j’ai photographié de nombreuses femmes tatouées.

L’une d’elles s’était fait enlever un sein et avait décidé de faire recouvrir cette partie du corps par un tatouage plutôt que de se faire reconstruire. Elle m’a expliqué que ce tatouage lui avait permis de tourner la page de la maladie, ce qui m’avait beaucoup touchée.

Entre-temps, j’avais moi-même commencé à me faire tatouer et pu constater les bienfaits du tatouage sur le plan psychologique. Après avoir reçu l’appui de l’Institut Bergonié, le Centre régional de lutte contre le cancer, à Bordeaux, j’ai donc créé le premier Rose Tattoo en 2016 et l’association Sœurs d’Encre en 2017.

En quoi consiste Rose Tattoo ?

Durant cet événement, qui a lieu à Bordeaux, Paris et Colmar, pendant Octobre Rose, les tatoueuses membres de l’association offrent un tatouage artistique de reconstruction à des femmes qui ont eu un cancer du sein. En 2023, nous en avons offert 80. Tout cela se fait selon un protocole médical très strict.

Toute l’année, nous étudions des dossiers de femmes souhaitant se faire tatouer lors de Rose Tattoo, avec un comité scientifique composé notamment d’oncologues, de chirurgiens, de psychologues et de dermatologues.

Le tatouage artistique de reconstruction réclame-t-il des précautions particulières ?

Absolument. C’est la raison pour laquelle toutes nos tatoueuses reçoivent une information médicale et technique, à la fois sur la chirurgie du sein, le parcours psychologique des femmes et sur ce qu’il ne faut pas tatouer.

Toute l’année, nous répondons à leurs questions, toujours avec l’aide de notre comité scientifique. Nous accordons aussi une grande importance à la motivation des tatoueuses, outre leurs qualités artistiques.

Pour nous rejoindre, toutes doivent avoir envie de s’engager, de mettre leur art au service d’une personne touchée par la maladie et d’offrir un tatouage en octobre. Les Sœurs d’Encre sont actuellement 80 et seront bientôt 100.

Vous menez d’autres actions que le tatouage. Lesquelles ?

Nous avons créé « Et Après ?! », un dispositif permettant à des femmes de se rétablir au sein de l’Atelier d’Éco solidaire, une recyclerie où l’on transforme du mobilier aux côtés d’artisans.

Nous proposons également aux entreprises, et bientôt au grand public, les ateliers BoNéNé, qui visent à sensibiliser aux difficultés du retour ou du maintien dans l’emploi des personnes atteintes d’un cancer du sein ou d’une maladie chronique. Ils se déroulent en petits groupes et consistent à customiser des soutiens-gorges, lesquels serviront à l’artiste franco-péruvienne Rustha Luna Pozzi-Escot pour une sculpture. Enfin, notre expo de photos itinérante « À Fleur de Maux » met en avant de nombreux témoignages de femmes ayant un tatouage artistique, et peut être louée pour de la sensibilisation.