Vous qui intervenez souvent à la télévision et en radio, êtes-vous sujet au trac ?
Oui, je le suis, comme des milliers de personnes qui exercent un métier public, que ce soit chroniqueur ou enseignant. Le trac se manifeste lorsqu’on intervient en public. C’est une angoisse qui part du ventre et qui remonte. Elle assèche la gorge : on n’a plus de salive, la langue colle au palais, l’élocution n’est plus parfaite et on bafouille. Pour ma part, le trac dure moins d’une minute ; après, je suis dans mon élément.
Quelles réactions avez-vous pu observer chez les artistes ?
Je n’ai pas connu Jacques Brel, mais c’était, paraît-il, un grand « traqueur ». Monter sur scène le rendait malade. On peut être un immense auteur-compositeur, et ne pas aimer chanter en public. Louis de Funès ressentait aussi beaucoup le trac, il perdait vite ses moyens. Pour ne plus avoir la bouche sèche, il mordait l’extrémité de sa langue, ce qui lui envoyait un jet de salive dans la bouche. Pour Johnny Hallyday, qui chantait depuis l’âge de 15-16 ans, c’était différent : il avait le trac en entrant sur scène, mais il disparaissait très vite.
Les artistes ont-ils forcément tous le trac ?
Je pense que oui. Que l’on s’appelle Vianney, Slimane, Clara Luciani, Juliette Armanet ou Black M, tous sont touchés plus ou moins par le trac. Le trac n’est pas une maladie. C’est dans la tête. Et comme la tête guérit le corps, on peut le dominer en faisant en sorte d’être bien dans sa tête, c’est-à-dire en étant en phase avec ce que l’on chante, avec les discours que l’on tient.
La notoriété n’aide-t-elle pas à se rassurer ?
Si, bien sûr. Les chanteurs se rassurent à l’idée de se produire devant un public qui les aime, qui vient spécialement pour eux. Pour ma part, je me rassure en me disant que les personnes qui s’inscrivent à mes conférences me connaissent, m’ont vu à la télé.
Comment gérez-vous le trac ?
Moi, je le gère par la qualité des informations que je donne lors de mes interventions dans les médias, pendant mes conférences, ou encore en tant qu’expert devant les tribunaux, qui me consultent dans le cadre de litiges, entre artistes et maisons de disque, par exemple.
Bien connaître son sujet, en ce qui me concerne, ou les paroles de son répertoire, lorsqu’on est chanteur, représente une garantie contre le trac. D’ailleurs, quand je vais sur un plateau télé ou devant un tribunal, je n’attends pas les questions, je viens avec des réponses. Généralement, je sais de quoi on va parler, et j’y ai réfléchi. Lorsqu’on sait quoi dire, une grande partie de l’angoisse disparaît. Le trac n’est donc pas forcément négatif. Il pousse à travailler, à faire en sorte d’être parfait, pour pouvoir le dominer.
Contre le trac, quelles sont les astuces des artistes ?
C’est variable, mais, d’une manière générale, l’entourage joue un rôle très important. Quand ils partent en tournée, les artistes emmènent leur équipe (maquilleuse, habilleuse, secrétaire…).
Très souvent, un proche collaborateur reste constamment à leur côté, comme une présence rassurante. Ce fut mon cas sur deux des tournées de Michel Polnareff, dont j’ai été l’attaché de presse puis l’agent.
Le soir, après les concerts, nous dînions ensemble, regardions la télévision, parlions de littérature, d’histoire, etc. Johnny, lui, a toujours eu des copains motards qui suivaient sa tournée. Ça le rassurait. Patrick Sébastien, avec qui j’ai travaillé pendant 14 ans, a, quant à lui, besoin de parler avant ses émissions. Il raconte des histoires, des blagues. Cela fait passer ses angoisses.
Que faire quand on est complexé ?
Les complexes peuvent être sources de trac. Que l’on souffre d’une calvitie, d’un gros nez ou d’une mauvaise dentition, il faut en faire un atout. L’exemple le plus remarquable est celui de Dominique Besnehard, qui a réussi à faire aimer son cheveu sur la langue. C’est magnifique. Comme lui, il faut arriver à être bien dans sa tête.
Avez-vous une dernière astuce à nous donner ?
En cas de trac, les larmes peuvent monter. Pour éviter de pleurer en public, il y a un moyen simple : ouvrir la bouche. Cela va bloquer le canal lacrymal. C’est très efficace.