ASSOCIATION DE PRÉVOYANCE SANTÉ

#Bien vivre pour
bien vieillir !

Accueil > Actualités > Santé bien-être > « Chacun doit avoir la liberté d’aller et venir, ça s‘appelle l’accessibilité universelle »

« Chacun doit avoir la liberté d’aller et venir, ça s‘appelle l’accessibilité universelle »

Catherine Thouvenin se déplace en fauteuil roulant depuis l’âge de 10 ans. Elle trace une voie commune aux personnes handicapées et aux personnes valides. À l’occasion de la Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 26 avril, et de la Journée mondiale des mobilités et de l’accessibilité, qui avait lieu le 30 avril, elle nous fait partager son point de vue, ses aspirations, mais aussi ses appréhensions.

Où en est la situation des personnes handicapées en matière de mobilité et d’accessibilité ?

Chacun doit avoir la liberté d’aller et venir, c’est un droit universel. La loi Handicap de 2005 est une belle promesse, mais la parole n’est pas totalement tenue.
L’accessibilité, considérée comme la condition indispensable à la reconnaissance de la pleine citoyenneté des personnes, est loin d’être atteinte et ce n’est pas avec la loi ELAN de 2018, qui revoit à la baisse les règles d’accessibilité, que nous avancerons sereinement, car, au lieu des 100 % initialement exigés en 2005, 20 % des logements neufs en habitat collectif doivent être maintenant accessibles.
Pour autant, si la société doit donner à tous la possibilité de se déplacer, d’évoluer, il me semble indispensable de chercher en soi les armes nécessaires pour traverser le dédale quotidien.
Malheureusement, ce n’est pas donné à tous de trouver la force mentale, les savoirs et les connaissances comme autant de soutien moral, indispensables ressources, qui, pour reprendre l’expression de la philosophe Cynthia Fleury, aident à être capacitaire.
Mon expérience de vie m’a conduit à penser les rapports humains en termes relationnels et non de façon individualiste. L’accessibilité, c’est aussi rester accessible.

Comment faites-vous pour vous déplacer ?

À Nancy, où je vis, j’organise mes activités et déplacements en fonction des lieux auxquels je peux accéder facilement. Je prends parfois les transports en commun en ville (nous attendons un trolleybus tout neuf pour 2024), mais j’ai grand plaisir à utiliser mon fauteuil roulant sur lequel j’ai fait adapter une troisième roue électrique.
J’aime traverser ma ville sereinement et ressentir l’air (parfois pollué) sur mon visage. Rencontrer les gens, tracer ma route, sillonner d’une activité à une autre, c’est comme cartographier la carte mentale des possibles. Il m’arrive aussi de prendre ma voiture lors de plus longs voyages, elle est adaptée à mon handicap.

L’enjeu de la mobilité et de l’accessibilité est en partie culturel, dites-vous. C’est-à-dire ?

J’entends souvent dire par méconnaissance : « on va faire des choses “pour vous”… », « on a prévu “pour vous”… » Mais qui est ce « vous » ? Je ne le prends pas mal, mais c’est très infantilisant.
Surtout qu’à force de prendre des dispositions « pour nous », les personnes handicapées, on finit par être séparées des autres. Plutôt que d’inclusion, je préfèrerais qu’on parle de « non exclusion ».
D’autant que vous et nous c’est pareil, on respire le même air non ? (rire)

Vous estimez qu’il ne devrait pas y avoir de distinction entre handicaps visibles et non visibles. Pourquoi ?

Parce que les problèmes de mobilité et d’accessibilité ne concernent pas que les personnes en fauteuil roulant. L’une des mesures à prendre serait d’ailleurs de modifier la signalétique.
En effet, le pictogramme représentant une personne en fauteuil roulant ne résume pas du tout le handicap, il est multiple, visible et invisible.

« Plutôt que d’inclusion, je préfèrerais que l’on parle de “non exclusion”. »

Catherine Thouvenin

Comment faire progresser les choses ?

Tout est une question de norme et de culture. Tant que les villes, dans leurs projets urbains, se développent pour des jeunes gens et en bonne santé, cela n’avancera pas.
Pour que puissent émerger les « villes du vivre ensemble », les pouvoirs publics doivent élaborer des normes universelles et s’attacher avant tout aux solidarités, aux villes du care et du sensible.
Je reste persuadée qu’apprendre à vivre ensemble est thérapeutique pour tout le monde. (rire)

Qu’en est-il dans l’entreprise ?

Plutôt que de faire cas particuliers des personnes handicapées, il vaudrait mieux se concentrer sur la qualité de vie au travail, c’est encore une affaire de droit universel. Chaque salarié y trouverait son compte, tout comme les employeurs.
Dans les entreprises, c’est une réalité, travailler avec des personnes handicapées favorise l’écoute, la créativité, l’attention à autrui. Autrement dit, y règnent plus de bienveillance et d’éthique, des valeurs fondamentales.

Diriez-vous, malgré tout, que le regard sur le handicap change ?

Les médias ont un grand rôle à jouer. De plus en plus de personnes handicapées parlent de handicap, notamment sur les réseaux sociaux. Ils font de la pédagogie, dédramatisant.
C’est le cas de Roro le Costaud, qui communique joyeusement sur tous les handicaps, et de Théo Curin, nageur handisport, aujourd’hui mondialement connu. Grâce a ses performances sportives, il est devenu l’égérie de la plus grande marque mondiale de cosmétique masculine, ce qui me semble être la preuve que les critères de beauté évoluent, car Théo est amputé des quatre membres.
Je n’ai pas d’exemple de femmes en tête qui produisent du contenu, certaines créent des groupes d’entraide, de partages, d’accompagnement de défis, comme Gr(H)andiOse, les femmes fonctionnent sûrement différemment. (rire encore)

Quel regard la société porte-t-elle sur les femmes handicapées ?

Une femme handicapée est une femme avant tout, elle a une vie amoureuse, elle se marie, divorce parfois, a des enfants, est libre aussi de ne pas en avoir…
Il est important que la société en ait conscience. L’accès a l’ensemble des soins est loin d’être gagné pour toutes les femmes, comme trouver un gynécologue accessible par exemple.

Pour faire évoluer le regard sur le handicap et faire progresser le « vivre ensemble », vous multipliez les actions. Lesquelles ?

Je ne me vois pas en porte-drapeau et mon objectif n’est pas de défoncer les portes. Plutôt de les ouvrir avec douceur et en inspirant un modèle souple mais robuste, adaptable et transformable.
Pour cela, j’ai créé l’association «Corps Territoire Approche Ecosystémique» (CTAE), dans laquelle sont regroupées mes différentes activités : ma participation au Conseil de développement durable du Grand Nancy qui est pour beaucoup dans ma prise de conscience sur les enjeux de la démocratie ; mes cours à l’école de kinésithérapie de Nancy (IFMK), sur des sujets comme la résilience socio écologique ; mes interventions dans des ateliers d’innovations urbaines à l’École nationale supérieure en génie des systèmes et de l’innovation(ENSGSI) ; l’accompagnement de projets de recherches et développements en innovation et autonomie, au sein du living lab Innov’Autonomie ; ou encore l’organisation d’ateliers répit à destination de soignants dans deux MECS (Maisons d’enfants à caractère social) et bientôt trois. Je nourris chacun des projets de mon savoir expérientiel, cela participe au maintien de mon équilibre en santé. Je métabolise et je partage l’idée selon laquelle le corps et le territoire sont intimement liés, et ma route dessinera peut-être une voie commune.

Des aides pour la mobilité

Afin de faciliter la mobilité des personnes en situation de handicap, les pouvoirs publics ont mis en place plusieurs aides : la carte mobilité inclusion (CMI), l’aide au déplacement en compensation du handicap, et l’aide exceptionnelle aux déplacements.

Pour en savoir plus, Pour en savoir plus, cliquez ici



Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web. Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.