C’est une première qui fera date ! À l’issue d’un essai clinique mené conjointement par l’Institut de la Vision, l’hôpital des Quinze-Vingts, l’université de Pittsburgh, l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle, la société Streetlab et la biotech française GenSight Biologics, un homme de 58 ans atteint de rétinopathie pigmentaire, une maladie dégénérative de la rétine qui touche 15 000 personnes en France, a recouvré partiellement la vue.
« Court-circuiter » les photorécepteurs
À quoi tient une telle prouesse ? Les chercheurs sont parvenus à « court-circuiter » les photorécepteurs du patient, dont la dégénérescence progressive avait entraîné la cécité, en utilisant l’optogénétique, une technique de thérapie génique connue depuis 20 ans, mais dont on ignorait qu’elle puisse donner de tels résultats. Pour rappel, les photorécepteurs sont des cellules de détection de la lumière, qui utilisent des protéines appelées opsines pour fournir des informations visuelles au cerveau via le nerf optique. Leur génome modifié, les photorécepteurs ont pu produire des opsines susceptibles de détecter la lumière ambrée.
Voir d’une autre façon
Après avoir laissé à l’organisme du patient le temps de produire la protéine opsine en quantité suffisante, les chercheurs ont soumis le quinquagénaire, équipé de lunettes munies d’une caméra, à différents tests.
Le dispositif alliant thérapie génique et lunettes caméra a permis de capter des images de couleur ambre, de les projeter sur la rétine d’Alain, qui a alors transmis des signaux à son cerveau.
Mais ces signaux reçus par les cellules ganglionnaires ne sont pas les mêmes que les signaux naturels. Très impliqué dans cette expérimentation, le patient s’est peu à peu approprié cette stimulation inédite pour s’habituer à “voir” d’une autre façon. Il ne perçoit pas les couleurs mais distingue des contrastes, des scintillements. Il est aujourd’hui capable, après une dizaine de mois d’efforts quotidiens de rééducation, de localiser et saisir des objets – ceux qui se trouvent dans sa cuisine, par exemple – mais aussi de repérer les passages piétons dans la rue. Un début d’autonomie retrouvée, qui change son existence et sa qualité de vie.
Un essai de phase 3 est déjà programmé
La découverte de cette équipe pluridisciplinaire et internationale de chercheurs a été publiée dans la prestigieuse revue Nature en mai dernier, et la société GenSight Biologics compte lancer prochainement un essai de phase 3 pour confirmer l’efficacité de cette approche thérapeutique.
Les personnes non-voyantes atteintes de l’une des différents types de maladies neurodégénératives des photorecepteurs, mais ayant conservé un nerf optique fonctionnel, sont toutes potentiellement éligibles. Même s’il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée au plus grand nombre, elle est porteuse de grands espoirs. Très bien tolérée, elle pourrait aussi être utilisée pour d’autres pathologies dégénératives de la vision, comme la DMLA sèche.